Des membres de la communauté haïtienne demandent aux Québécois d’éviter le pays des Antilles qui vient d’annoncer la dénationalisation de milliers de Dominicains descendant d’Haïtiens
À l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme, des militants pressent les touristes québécois de rayer la République dominicaine de leur liste de destinations soleil tant que le pays ne reviendra pas sur sa décision de retirer leur citoyenneté à des dizaines de milliers de descendants haïtiens.
Des centaines de vacanciers faisant la queue mardi matin devant les comptoirs de Sunwing, à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, ont ainsi eu droit à un spectacle inusité alors qu’ils s’apprêtaient à troquer la froide nuit montréalaise pour les plages cubaines de Varadero, ou dominicaines de Puerto Plata.
À 5 h pile, sur une toile de fond tropicale, une jeune femme en bikini a entrepris, dans un troublant jeu de miroir et de parasol au-dessus de la tête, de se crémer le corps. « La République dominicaine retire l’existence légale à plus d’un quart de million de personnes », pouvait-on lire sur une banderole près d’elle. Les 15 militants orchestrant cette action ont à peine eu le temps d’expliquer leur cause aux voyageurs que la sûreté aéroportuaire intervenait pour mettre fin à leur manifestation, qui a duré à peine cinq minutes.
Dénationalisation
L’enjeu qui se profile derrière ce cri du coeur est l’arrêt TC 168/13, par lequel la Cour constitutionnelle dominicaine a dénationalisé, le 23 septembre dernier, des dizaines de milliers de Dominicains sous prétexte de leur descendance haïtienne. Selon plusieurs organismes, cette décision — qui s’applique rétroactivement à 1929 — retire ainsi la citoyenneté à plus de 200 000 personnes, lesquelles se retrouvent soudain privées de toute existence légale.
« On demande le retrait de cette décision, a déclaré Will Prosper, porte-parole du groupe. Tant que ce ne sera pas fait, on va mettre de la pression pour qu’il y ait un boycott à l’industrie du tourisme. » Si la décision remonte à plus de deux mois déjà, ce n’est que tout récemment que la communauté haïtienne de Montréal a commencé à se mobiliser.
À l’échelle internationale, la première réaction est venue de la Communauté caribéenne (CARICOM), qui a décidé, le 26 novembre, de suspendre la demande d’adhésion de la République dominicaine.
Puis, le 6 décembre, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies exhortait le gouvernement à restaurer la citoyenneté perdue d’« innombrables Dominicains ». Enfin, le 8 décembre, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a déploré que le pays décide sur une base arbitraire de la citoyenneté de ses habitants.
Jusqu’à maintenant, rien n’y fait : le gouvernement de Danilo Medina a tout au plus annoncé son intention de permettre à ceux dont la citoyenneté a été retirée de demander une naturalisation. Un non-sens, selon le HCR, puisqu’il s’agit de Dominicains, et non de migrants.
Originaire d’Haïti, Joëlle Georges, 29 ans, a vécu dix ans en République dominicaine. Elle rappelle qu’il est encore fréquent — comme sous le règne de Rafael Trujillo dans les années 1930 — que des Noirs se fassent demander de prononcer le mot perejil (persil), dont la prononciation, difficile en espagnol, permet d’identifier les Haïtiens.
Son camarade Schneider Mervil, 28 ans, s’est quant à lui fait embarquer par la police dominicaine lors de son séjour étudiant, malgré sa résidence permanente. « Ils ne regardent pas les documents, dit-il. Si tu es noir, t’es un Haitiano, un chien qui n’a aucune existence légale. »
Représailles
Malgré les assurances du président Medina, des centaines de personnes ont déjà été déportées en Haïti, sous la supervision musclée des autorités dominicaines, selon le Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (GARR), qui fait également mention de « représailles » fréquentes contre des immigrants haïtiens.
Boycotter l’industrie touristique aura-t-il un effet ? Dans un pays dont les services — et en premier lieu l’industrie du tourisme — comptent pour près de 65 % du produit intérieur brut, Will Prosper l’espère bien. Il compte sur le soutien des touristes québécois, grands amateurs de plages blanches, pour préférer, le temps qu’il faudra, Varadero à Puerto Plata.
Un billet pour la République dominicaine en main, Isabelle reconnaît qu’elle n’a rien entendu de cette histoire avant ce matin. « Mais ça me fatigue », confie-t-elle immédiatement. C’est la première fois qu’elle se rend dans ce petit pays, mais ça pourrait bien être la dernière. « L’année prochaine, on va reconsidérer notre choix. »
Des centaines de vacanciers faisant la queue mardi matin devant les comptoirs de Sunwing, à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, ont ainsi eu droit à un spectacle inusité alors qu’ils s’apprêtaient à troquer la froide nuit montréalaise pour les plages cubaines de Varadero, ou dominicaines de Puerto Plata.
À 5 h pile, sur une toile de fond tropicale, une jeune femme en bikini a entrepris, dans un troublant jeu de miroir et de parasol au-dessus de la tête, de se crémer le corps. « La République dominicaine retire l’existence légale à plus d’un quart de million de personnes », pouvait-on lire sur une banderole près d’elle. Les 15 militants orchestrant cette action ont à peine eu le temps d’expliquer leur cause aux voyageurs que la sûreté aéroportuaire intervenait pour mettre fin à leur manifestation, qui a duré à peine cinq minutes.
Dénationalisation
L’enjeu qui se profile derrière ce cri du coeur est l’arrêt TC 168/13, par lequel la Cour constitutionnelle dominicaine a dénationalisé, le 23 septembre dernier, des dizaines de milliers de Dominicains sous prétexte de leur descendance haïtienne. Selon plusieurs organismes, cette décision — qui s’applique rétroactivement à 1929 — retire ainsi la citoyenneté à plus de 200 000 personnes, lesquelles se retrouvent soudain privées de toute existence légale.
« On demande le retrait de cette décision, a déclaré Will Prosper, porte-parole du groupe. Tant que ce ne sera pas fait, on va mettre de la pression pour qu’il y ait un boycott à l’industrie du tourisme. » Si la décision remonte à plus de deux mois déjà, ce n’est que tout récemment que la communauté haïtienne de Montréal a commencé à se mobiliser.
À l’échelle internationale, la première réaction est venue de la Communauté caribéenne (CARICOM), qui a décidé, le 26 novembre, de suspendre la demande d’adhésion de la République dominicaine.
Puis, le 6 décembre, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies exhortait le gouvernement à restaurer la citoyenneté perdue d’« innombrables Dominicains ». Enfin, le 8 décembre, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a déploré que le pays décide sur une base arbitraire de la citoyenneté de ses habitants.
Jusqu’à maintenant, rien n’y fait : le gouvernement de Danilo Medina a tout au plus annoncé son intention de permettre à ceux dont la citoyenneté a été retirée de demander une naturalisation. Un non-sens, selon le HCR, puisqu’il s’agit de Dominicains, et non de migrants.
Originaire d’Haïti, Joëlle Georges, 29 ans, a vécu dix ans en République dominicaine. Elle rappelle qu’il est encore fréquent — comme sous le règne de Rafael Trujillo dans les années 1930 — que des Noirs se fassent demander de prononcer le mot perejil (persil), dont la prononciation, difficile en espagnol, permet d’identifier les Haïtiens.
Son camarade Schneider Mervil, 28 ans, s’est quant à lui fait embarquer par la police dominicaine lors de son séjour étudiant, malgré sa résidence permanente. « Ils ne regardent pas les documents, dit-il. Si tu es noir, t’es un Haitiano, un chien qui n’a aucune existence légale. »
Représailles
Malgré les assurances du président Medina, des centaines de personnes ont déjà été déportées en Haïti, sous la supervision musclée des autorités dominicaines, selon le Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (GARR), qui fait également mention de « représailles » fréquentes contre des immigrants haïtiens.
Boycotter l’industrie touristique aura-t-il un effet ? Dans un pays dont les services — et en premier lieu l’industrie du tourisme — comptent pour près de 65 % du produit intérieur brut, Will Prosper l’espère bien. Il compte sur le soutien des touristes québécois, grands amateurs de plages blanches, pour préférer, le temps qu’il faudra, Varadero à Puerto Plata.
Un billet pour la République dominicaine en main, Isabelle reconnaît qu’elle n’a rien entendu de cette histoire avant ce matin. « Mais ça me fatigue », confie-t-elle immédiatement. C’est la première fois qu’elle se rend dans ce petit pays, mais ça pourrait bien être la dernière. « L’année prochaine, on va reconsidérer notre choix. »
Source: Le Devoir
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